Juchée sur le cap Lauzon de Deschambault-Grondines, pointe s’avançant dans le fleuve Saint-Laurent et offrant une vue imprenable, l’église Saint-Joseph de Deschambault est le second lieu de culte à dominer le promontoire. Située au cœur d’une aire protégée depuis 1974[1], l’église classée monument historique en 1965 fait partie d’un îlot paroissial comprenant deux anciens presbytères, les fondations du premier presbytère[2], l’ancien couvent des Sœurs de la Charité, le cimetière, ainsi que l’ancienne salle des habitants.
Dès 1686, on retrouve déjà une première chapelle sur la seigneurie de Deschambault[3], et une chapelle dédiée à saint Antoine de Padoue est construite en 1702 sur la seigneurie de La Chevrotière[4]. À la suite du regroupement des deux seigneuries pour former la paroisse de Saint‑Joseph de Deschambault en 1713, une première église est érigée sur le cap Lauzon entre 1730 et 1735. Alors que la guerre de la Conquête[5] fait rage, en 1759 une frégate anglaise remontant le fleuve tire un boulet de canon qui atteint la couverture. Les dommages ne sont pas d’une grande ampleur et sont vite réparés. Cependant, cette première église n’aura servi au culte qu’environ 100 ans, puisque déjà en 1834 Thomas Baillairgé (1791-1859), architecte et sculpteur de Québec, est chargé de dresser les plans d’une nouvelle église plus vaste. Les travaux débutent en 1835 et l’église est bénie la veille de Noël, en 1838[6].
En 1841, les travaux reprennent afin de compléter l’architecture intérieure de l’église : André Paquet dit Lavallée (1799-1860) de Québec y ajoute une voûte de bois, agrandit le jubé et réalise le décor intérieur. Entre 1850 et 1856, les travaux continuent et les fonts baptismaux sont ajoutés. En 1873, on procède à une dernière étape de grands travaux en agrandissant le jubé et en y ajoutant un second jubé, puis en 1875 les tribunes et les trois autels sont installés par Zéphirin Perreault (1834-1906), architecte deschambaultien.
Jusqu’en 1893, les sœurs assistent à la messe depuis le jubé, à l’arrière de l’église. Toutefois, l’installation d’un orgue, fabriqué en 1892 par Samuel R. Warren & Sons de Toronto, nécessite une relocalisation des sœurs durant les offices et une annexe de bois, dite la « sacristie des sœurs », est construite à l’angle du transept sud et de l’abside. La même année, la paroisse fait l’acquisition de trois cloches de la maison Paccard (France) qui seront baptisées « Joseph » (Do), « Marie » (Mi) et « Anne » (Sol).
Dans les années 1950, l’église subit des modifications substantielles. D’abord, les clochers néoclassiques dessinés par Baillairgé sont remplacés autour de 1952. Auparavant dotée de clochers à lanterne simple surplombant les chambres des cloches cubiques, l’église possède aujourd’hui des clochers à double lanterne terminés par une flèche[7]. Ces clochers, désormais plus bas que les clochers d’origine, contribuent à cet aspect massif et trapu qu’a l’église Saint-Joseph de l’extérieur. Durant la même période, l’intérieur de l’église subira aussi des modifications importantes. Sous les travaux de l’architecte Émile-Georges Rousseau (1888-1973), on retire en 1956 le second jubé, de même que la partie supérieure du maître-autel et le dorsal du banc d’œuvre, qui retrouve sa place à l’avant de la nef. De plus, les bancs et les stalles du chœur sont remplacés[8].
Cette église présente une architecture extérieure sobre d’inspiration néoclassique, suivant un plan en croix latine et dont la nef est formée de trois vaisseaux. Lors de sa construction, elle faisait preuve d’une grande nouveauté en raison de la forme des autels latéraux, de l’abside aux coins arrondis, ainsi que du chemin couvert en pierre intégré à l’architecture[9].
L’ornementation intérieure d’influence néoclassique de l’église est l’œuvre du sculpteur de Québec André Paquet dit Lavallée (1799-1860), exécutée entre 1841 et 1849 selon les plans de Baillairgé. Paquet dit Lavallée a réalisé l’ensemble des éléments décoratifs de menuiserie, sculpture et peinture de l’église. La chaire, aujourd’hui dépourvue de son abat-voix, le banc d’œuvre soigneusement orné de feuilles d’acanthe dont il ne reste que le prie-Dieu, la balustrade, les corniches et les trophées du sanctuaire sont de beaux exemples du travail méticuleux du sculpteur.
L’église de Deschambault possède de plus une collection impressionnante d’œuvres dont plusieurs ont été classées en 1965. On y retrouve entre autres deux tableaux de Jean‑Baptiste Roy-Audy (1778-1848), peintre autodidacte de Québec : l’Adoration des Mages (vers 1820) et l’Adoration des bergers (vers 1820), exposés dans les tribunes. En plus de ces deux toiles, la fabrique aurait possédé jusqu’à six autres tableaux de Roy-Audy. Saint Roch[10] (1822), le Baptême du Christ[11] (1824) et La Mort de saint Joseph[12] (1825), qui appartiennent toujours à la fabrique de Deschambault, sont aujourd’hui en dépôt dans les collections du Musée national des Beaux-Arts du Québec. Saint Joseph et l’Enfant Jésus[13] (1820), L’Éducation de la Vierge[14] (1820) et Saint Jean l’Évangéliste[15] (1820) ont été vendues et font maintenant toutes partie de la collection du Musée national des beaux-arts du Québec.
Quelques œuvres de l’église actuelle proviennent de la première église, dont la Vision de saint Antoine de Padoue, qui aurait été réalisée vers 1750 et dont le peintre est anonyme. La lampe du sanctuaire, provenant elle aussi de la première église, est faite d’argent et a été réalisée en 1804 par Laurent Amiot (1764-1839), l’un des plus grands orfèvres que le Québec ait connus. En plus de cette lampe, l’église possède plusieurs pièces d’orfèvrerie de François Ranvoyzé (1739-1819) de Québec, grand orfèvre du 18e siècle.
Un statuaire réalisé entre 1820 et 1824 par Thomas et François Baillairgé[16] (1759-1830) provient aussi de la première église. Cet ensemble de six statues de bois, classées biens culturels en 1965, comprend deux monochromes dorés, Le Christ et La Vierge de Thomas Baillairgé, et quatre polychromes, saint Grégoire-le-Grand, saint François-Xavier, saint Louis et saint Ignace de Loyola de François Baillairgé. Un haut-relief de bois doré du Christ Mort (1815) de François Baillairgé, acquis en 1954 par le Musée du Québec, faisait aussi partie de la collection[17].
En plus de ces statues, l’église possède quatre statues de Louis Jobin (1845-1928), sculpteur originaire de Saint-Raymond. Juchée sur un amortissement en piédouche[18] situé entre les deux clochers, la statue de saint Joseph de Jobin a été réalisée en 1890. En 1892, Jobin a réalisé trois autres statues destinées au cimetière de l’église. Le Christ en croix, aujourd’hui restauré et placé au-dessus de la chaire à des fins de conservation, faisait auparavant office de calvaire. Enfin, les deux Anges du jugement dernier de Jobin, soit l’Ange à la balance et l’Ange à la trompette, qui était installés sur les pilastres du portail du cimetière ont aussi fait l’objet de restaurations avant d’être installés, aujourd’hui, dans les fenêtres arrière de l’église.
Finalement, les vitraux, dont deux fabriqués en 1905 et 1906 par la maison Bernard Léonard (1841-1924) de Québec, tandis que les autres proviennent de la maison Wisintainer, illuminent les fenêtres du chœur et des transepts.
Pour connaître la liste des vingt-huit objets patrimoniaux classés appartenant à l’église Saint-Joseph de Deschambault, visitez : http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca.
En plus de sa vocation cultuelle, l’église de Deschambault est un lieu vivant pour la culture dans Portneuf. Depuis 2005, l’église accueille, durant la saison estivale, des expositions de la Biennale internationale du lin de Portneuf (https://biennaledulin.com/). Cet événement, qui a lieu tous les deux ans, veut offrir une vitrine aux « pratiques contemporaines liées au lin[19] » en présentant des œuvres d’art actuel sur le thème du lin. En plus des expositions de la Biennale internationale du lin de Portneuf, Culture et Patrimoine Deschambault-Grondines propose dans les années intercalaires des expositions d’art contemporain, qui prennent aussi place au Vieux Presbytère, ainsi qu’au Moulin de la Chevrotière. Parmi les activités proposées par Culture et Patrimoine Deschambault-Grondines, l’église accueille aussi des célébrations spéciales comme le moment de mémoire aux disparus et la messe de minuit de Noël, chantés par le Chœur du Patrimoine.
Enfin, en plus des expositions organisées par Culture et Patrimoine Deschambault-Grondines, la « Sacristie des Sœurs » a accueilli de nombreuses expositions de peintures et photographies d’artistes de la région, comme lors du Rendez-vous des arts de Deschambault-Grondines qui se déroule en août depuis 2007. Pendant de nombreuses années, l’église a de plus servi de salle de concerts pour les élèves de l’École régionale de musique du Vieux Couvent, aujourd’hui l’École de musique Denys-Arcand.
Pour en connaître davantage sur les différentes activités tenues par Culture et Patrimoine Deschambault-Grondines, visitez : http://www.culture-patrimoine-deschambault-grondines.ca/.
Pour en connaître plus sur le Rendez-vous des arts de Deschambault-Grondines, visitez la page Facebook de l’événement : https://www.facebook.com/Rendez-vous-des-Arts-de-Deschambault-Grondines.
Pour connaître les différentes activités de Deschambault-Grondines, visitez : http://deschambault-grondines.com/.
Biennale internationale du lin de Portneuf, [en ligne].
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[1] Répertoire du Patrimoine Culturel du Québec, « Église de Saint-Joseph », Ministère de la Culture et des Communications, 2013, [En ligne].
[2] Le premier presbytère, construit en 1735, a été démoli vers la moitié du 19e siècle pour faire place au second presbytère, plus grand.
[3] La seigneurie de Deschambault correspondait à la partie est de Deschambault.
[4] La seigneurie de La Chevrotière correspondait à la partie ouest de Deschambault.
[5] Conflit opposant la France et la Grande-Bretagne entre 1754 et 1763 pour l’occupation du territoire de la Nouvelle-France, à l’issu duquel la Grande-Bretagne a été victorieuse.
[6] Hélène Bourque et Paul Labrecque, « Deschambault. Église Saint-Joseph », Les églises et les chapelles de Portneuf. Cap-Santé : MRC de Portneuf, 2000, p.19.
[7] Paul Labrecque et Hélène Bourque, Les églises et les chapelles de Portneuf, Cap-Santé, Québec : MRC de Portneuf, 2000, p.20.
[8] Paul Labrecque et Hélène Bourque, ibid.
[9]Répertoire du Patrimoine Culturel du Québec, « Église de Saint-Joseph », Ministère de la Culture et des Communications, 2013, [En ligne].
[10] Pour accéder à la fiche d’inventaire du Musée national des Beaux-Arts du Québec, consultez : https://www.mnbaq.org/collections/oeuvre/saint-roch-600037679.
[11] Pour accéder à la fiche d’inventaire du Musée national des Beaux-Arts du Québec, consultez : https://www.mnbaq.org/collections/oeuvre/le-bapteme-du-christ-600023761.
[12]Pour accéder à la fiche d’inventaire du Musée national des Beaux-Arts du Québec, consultez : https://www.mnbaq.org/collections/oeuvre/la-mort-de-saint-joseph-600023762.
[13] Pour accéder à la fiche d’inventaire du Musée national des Beaux-Arts du Québec, consultez : https://collections.mnbaq.org/fr/oeuvre/600009265.
[14] Pour accéder à la fiche d’inventaire du Musée national des Beaux-Arts du Québec, consultez : https://collections.mnbaq.org/fr/oeuvre/600009264.
[15] Pour accéder à la fiche d’inventaire du Musée national des Beaux-Arts du Québec, consultez : https://collections.mnbaq.org/fr/oeuvre/600009266 .
[16] François Baillairgé, originaire de Québec, est un architecte et sculpteur, tout comme son fils, Thomas Baillairgé.
[17]Pour accéder à la fiche d’inventaire du Musée national des Beaux-Arts du Québec, consultez : https://www.mnbaq.org/collections/oeuvre/le-christ-mort-600002486.
[18] Petit piédestal à base carrée servant généralement de support à une statue.
[19] Biennale internationale du lin de Portneuf : https://biennaledulin.com/.
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