L’église de Saint-Basile déploie un caractère unique dans le patrimoine bâti dans la région portneuvoise. Et pour cause! Elle doit l’originalité de son apparence aux caprices du territoire, plus particulièrement au sol argileux de la municipalité. 


Durant la première moitié du 19e siècle, des habitants défrichent peu à peu le territoire situé au nord de Cap-Santé, si bien qu’en 1836 ils font la requête à l’archevêché pour y construire un lieu de culte. Celle-ci ne sera entendue qu’en 1844, mais un dénommé Joseph Jacques s’empresse de faire don d’un terrain sur le bord de la rivière Portneuf pour qu’on y érige une petite chapelle de bois. Il n’y a pas encore de paroisse formelle, mais on ouvre tout de même les registres quelques années plus tard, en 1847. La chapelle se montrant plus que nécessaire, en 1850-1851 on construit une sacristie dans le prolongement du chœur puisqu’un prêtre viendra y loger. Cette même chapelle connaît une vague de changements majeurs[1] quelques années plus tard, en 1854-1855, alors que la paroisse ne sera érigée canoniquement que le 19 mars 1858. 


Malgré l’ensemble des modifications apportées, le temple présente plusieurs faiblesses et des réparations majeures sont recommandées en 1878. Qu’à cela ne tienne, les paroissiens, eux, préfèrent une nouvelle église de pierre! C’est donc en septembre 1882 que l’architecte David Ouellet (1844-1915) dessine les plans de la future église: celle-ci aura une nef à trois vaisseaux dont les voûtes seront en plein cintre et une sacristie sera construite en angle droit avec le temple. Les travaux vont bon train sous l’égide de l’entrepreneur Joseph Bussière, mais à l’hiver 1883 le chantier ferme urgemment. La cause ? La lourde façade s’enfonce dans le sol!


L’œil avisé des ouvriers qui s’affairent à la charpente du toit permet d’éviter une situation qui aurait pu mal tourner, mais la construction de l’église est remise en cause. L’avis d’experts tels les architectes Georges-Émile Tanguay (1858-1923), Joseph-Ferdinand Peachy (1830-1903) et François-Xavier Berlinguet (1830-1916) est demandé pour trouver une solution au problème qui viendra du côté de Berlinguet. Ce dernier suggère une solution pour assurer la stabilité du temple sur le sol argileux: construire sur pilotis. Toutefois, il faut alléger la structure. L’église qui devait être toute de pierre sera finalement revêtue de bois pour la partie supérieure de la façade et des longs pans, lui donnant l’apparence originale qu’on lui connaît aujourd’hui[2]. En somme, la proposition de Berlinguet se veut ni plus ni moins qu’une toute nouvelle église. L’église est bénie le 3 octobre 1888 par Monseigneur Taschereau (1820-1898), mais le parachèvement n’est complété qu’au printemps 1899[3]


Bien que le temple soit désormais terminé, les travaux n’arrêtent pas pour autant. L’année suivante, on installe un second jubé[4] et en 1916, on allonge le premier jubé selon les plans de l’architecte Joseph-Pierre Ouellet[5] (1871-1959). En 1928, l’heure est à la rénovation de l’église et de la sacristie[6] et l’année suivante on procède à l’installation d’un orgue[7] Casavant de 22 jeux. Enfin, en 1956 on agrandit la tribune de l’orgue afin, dit-on, de donner plus de place à la chorale. À la même époque, on ajoute quatre confessionnaux à l’arrière de l’église condamnant ainsi les escaliers, ce qui oblige d’en construire de nouveaux, et la rosace de la voûte du chœur est obstruée.  Enfin, en 1959 on effectue des travaux de consolidation du clocher et de la façade et on en profite pour déplacer le monument du Sacré-Coeur qui avait été installé sur le parvis de l’église quarante ans plus tôt, tout comme on remplace les deux statues d’anges réalisées par Louis Jobin (1845-1928) en 1900 par deux autres sculptées par les frères Bourgault de Saint-Jean-Port-Joli. Toutefois, en mai 1975 celles-ci seront retirées, de même que les clochetons où elles se trouvaient en raison de la dégradation du bois[8].

L’église de Saint-Basile présente un décor somptueux dessiné par l’architecte Joseph-Georges Bussières (1869-1916). Le plafond à caissons de la voûte, caractéristique de l’architecture basilicale romaine de laquelle s’est inspirée Bussières, est unique à la région et le splendide travail de Michel Rigali (1841-1910) quant à l’ornementation de plâtre est d’une remarquable finesse et complète ce décor soigneusement préservé. 


L’église, dont la conception a d’abord été confiée à l’architecte David Ouellet, se veut davantage l’oeuvre de François-Xavier Berlinguet qui propose finalement une toute nouvelle église dans sa volonté d’apporter une solution au problème d’enfoncement de la façade de l’église de Ouellet. L’église dite de plan basilical présente une façade-écran ornementale surmontée de créneaux et de tourelles et un plan au sol rectangulaire dont le chœur en saillie se termine par une abside en hémicycle. À l’intérieur, la nef à trois vaisseaux est complétée par une tribune arrière et deux tribunes latérales. 


Bien que le décor ait été peu altéré au fil du temps, certains éléments ont été retirés, dont des détails décoratifs dans le chœur et des pendentifs des caissons. Il s’agit « d’un des édifices religieux les plus originaux[9] » de la région de Portneuf. En plus du travail de Rigali qui orne le temple, s’y trouve un chemin de croix peint par Luigi Morgari (1857-1935) en 1928. 

Nous tenons à remercier Mme Diane Juneau pour son aide précieuse et sa collaboration dans la réalisation de ce projet. 

BÉLAND, Mario. « Jobin, Louis (baptisé Louis-Jean-Baptiste) ». Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003. Consulté le 13 janvier 2024. En ligne: http://www.biographi.ca/fr/bio/jobin_louis_15F.html.

BÉLAND, Mario. « Rigali, Michele ». Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003. Consulté le 13 janvier 2024. En ligne:  http://www.biographi.ca/fr/bio/rigali_michele_13F.html.

BOURQUE, Hélène et Paul Labrecque. 2000. « Fiche d’évaluation : Église Saint-Basile : Saint-Basile ». Inventaire et évaluation patrimoniale des églises de la MRC de Portneuf : Rapport d’expertise. [Portneuf] : Comité multisectoriel du patrimoine religieux de Portneuf. 

Conseil du patrimoine religieux du Québec. 2023. « Église Saint-Basile ». Inventaire des lieux de culte du Québec. Consulté le 9 janvier 2024. En ligne: https://www.lieuxdeculte.qc.ca/fiche.php?LIEU_CULTE_ID=9147

LABRECQUE Paul et Hélène BOURQUE. 2000. Les églises et les chapelles de Portneuf. Cap-Santé, Québec : MRC de Portneuf. 

MRC de Portneuf. 2023. « Saint-Basile ». Municipalités constituantes. Consulté le 10 janvier 2024. En ligne: https://portneuf.ca/amenagement-territoire/municipalites-constituantes/saint-basile/

Paroisse Bienheureuse-Mère-Saint-Louis. 2019. « La communauté chrétienne de Saint-Basile ». Fabrique de la paroisse Bienheureuse-Mère-Saint-Louis. Consulté le 10 janvier 2024. En ligne: https://pbmsl.org/histoire_st-basile.html

  Répertoire du patrimoine culturel du Québec. « Berlinguet, François-Xavier ». Ministère de la Culture et des Communications, 2013. Consulté le 9 janvier 2024. En ligne: https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=7256&type=pge

Répertoire du patrimoine culturel du Québec. « Église de Saint-Basile ». Ministère de la Culture et des Communications, 2013. Consulté le 9 janvier 2024. En ligne: https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=114900&type=bien

Répertoire du patrimoine culturel du Québec. « Giroux, Joseph ». Ministère de la Culture et des Communications, 2013. Consulté le 9 janvier 2024. En ligne: https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=11090&type=pge.

Répertoire du patrimoine culturel du Québec. « Laberge, Héliodore ». Ministère de la Culture et des Communications, 2013. Consulté le 9 janvier 2024. En ligne: https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=7659&type=pge

Répertoire du patrimoine culturel du Québec. « Morgari, Luigi ». Ministère de la Culture et des Communications, 2013. Consulté le 9 janvier 2024. En ligne: https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/detail.do?methode=consulter&id=22127&type=pge#.XD313FVKjIU%C3%A0

Répertoire du patrimoine culturel du Québec. « Ouellet, David ». Ministère de la Culture et des Communications, 2013. Consulté le 9 janvier 2024. En ligne: https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=7830&type=pge

Répertoire du patrimoine culturel du Québec. « Peachy, Joseph-Ferdinand ». Ministère de la Culture et des Communications, 2013. Consulté le 9 janvier 2024. En ligne: https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=7848&type=pge.  

Répertoire du patrimoine culturel du Québec. « Tanguay, Georges-Émile ». Ministère de la Culture et des Communications, 2013. Consulté le 9 janvier 2024. En ligne: https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=8003&type=pge

Société d’histoire de Saint-Basile-de-Portneuf. 2016. « Glanures historiques de Saint-Basile ». Société d’histoire de Saint-Basile-de-Portneuf. Consulté le 10 janvier 2024. En ligne: https://www.shsbp.org/fenetre-sur-notre-histoire

TRÉPANIER, Paul. 1991. « J.-Georges Bussières et les églises Portneuvoises ». Continuité (50): 37-42.  

Université de Saint-Boniface. 2006  « Famille Bourgault ». Francophonies canadiennes. Identités culturelles. Université York / Université de Regina. Consulté le 13 janvier 2024. En ligne: https://sites.ustboniface.ca/francoidentitaire/quebec/texte/T3086.htm#Liens

Ville de Québec. « Bussières, Joseph-Georges ». Répertoire du patrimoine bâti. Ville de Québec. Consulté le 13 janvier 2024. En ligne: https://www.ville.quebec.qc.ca/citoyens/patrimoine/bati/thesaurus.aspx?tid=2228897

Ville de Québec. « Ouellet, Joseph-Pierre ». Répertoire du patrimoine bâti. Ville de Québec. Consulté le 13 janvier 2024. En ligne: https://www.ville.quebec.qc.ca/citoyens/patrimoine/bati/thesaurus.aspx?id=11264&type=4

VOISINE, Nive. « Taschereau, Elzéar-Alexandre ». Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003. Consulté le 13 janvier 2024. En ligne:  http://www.biographi.ca/fr/bio/taschereau_elzear_alexandre_12F.html

[1] De nombreux changements sont apportés à l’église: exhaussement du bâtiment d’environ 1 mètre, élévation du clocher, revêtement des murs extérieurs en imitation de pierre, construction d’une voûte et d’un jubé, allongement du chœur, lambrissage et décoration intérieure… Les changements sont tels qu’il s’agit presque d’un nouveau temple. 

[2] C’est le maçon Edwind Matte et le charpentier Elzéar Blanchette qui œuvrent à la construction de cette toute nouvelle église.

 [3] C’est l’entrepreneur Alfred Giroux & Frères qui est chargé d’exécuter le parachèvement suivant les plans de Joseph-Georges Bussières. 

[4] La même année, on pose un revêtement embossé en imitation de pierre sur la partie supérieure de l’église afin de protéger le bois des intempéries. 

[5] L’entrepreneur Joseph Giroux (-1917), de Saint-Casimir, effectue les travaux. 

 [6] Le peintre décorateur Jos.-Honoré-A. Marcoux et le menuisier Georges Gauthier effectuent les travaux.

[7] Selon les plans de l’architecte Héliodore Laberge (1883-1956). 

[8]Les rondes-bosses seront vendues à la suite du démantèlement des clochetons. 

[9] BOURQUE, Hélène et Paul Labrecque. 2000. « Fiche d’évaluation : Église Saint-Basile : Saint-Basile ». Inventaire et évaluation patrimoniale des églises de la MRC de Portneuf : Rapport d’expertise. [Portneuf] : Comité multisectoriel du patrimoine religieux de Portneuf. 

Projet réalisé par

Équipe

DIRECTION TECHNIQUE
AARON BASS


RECHERCHE
LAURA TROTTIER

RÉVISION DES TEXTES
GABRIEL OUELLETTE

PHOTOGRAPHIE
DENIS BARIBAULT

VISITE PANORAMIQUE
EMY VALLIÈRES

INTÉGRATION WEB
MITJA LESNIK

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